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CONTRATS : LE PIVOT DE LA MOBILITÉ DES VOLUMES

Les contrats signés fin 2011 ou début 2012 avec les industriels privés sont cessibles. Pour les contrats coopératifs, on parle de transmissibilité.© SEBASTIEN CHAMPION

Après les quotas, la cessibilité des contrats laitiers et le règlement des coopératives révéleront toute leur importance dans la mobilité des volumes entre les exploitations.

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A PARTIR DU 1ER AVRIL, les habitudes concernant la gestion des volumes seront totalement chamboulées. Jusque-là, les producteurs pouvaient se développer par la reprise de quotas attachés au foncier ou via la réserve régionale. L'industriel ne pouvait qu'en prendre acte. C'est une toute autre façon de gérer les volumes qui s'annonce.

Les producteurs qui projettent d'arrêter le lait cette année s'y frottent les premiers. Par les questions qu'ils soulèvent, ils aident même à identifier les différents scénarios de transfert des volumes d'un producteur vers un autre. Au centre de cette évolution : le contrat signé entre le producteur et le transformateur. Le chemin à suivre ne sera pas le même si le producteur est adhérent à une coopérative ou s'il a signé un contrat avec un privé.

Dans le premier cas, on parle plutôt de transmissibilité du contrat coopératif, dans le second, de cessibilité du contrat de vente de lait.

LA CESSIBILITÉ D'UN CONTRAT, C'EST QUOI ?

Industriels privés : en l'absence de quotas, la clause de cessibilité devient le coeur du rouage. Elle définit les conditions de transfert du contrat, et donc indirectement celles des volumes. Pour bien saisir la nouvelle mécanique avec les laiteries privées, il faut d'abord comprendre le sens des termes qui, dans quelques mois, feront partie du langage courant des producteurs laitiers.

Contrairement à ce que l'on interprète spontanément, la cessibilité des contrats ne signifie pas... leur vente. Un contrat laitier est un bien immatériel qui peut faire l'objet d'un transfert de propriété du cédant (le producteur) vers un cessionnaire (le repreneur du contrat). Le cédé, lui, est l'entreprise laitière. La cession est l'acte de transfert du contrat et de toutes les obligations auxquelles sont soumis le cédant et le cédé.

Coopératives : le contrat s'aborde différemment. Il repose sur un engagement de livraisons de cinq ans matérialisé par la souscription de parts sociales, dont le montant unitaire est exprimé aux mille litres de lait. La cession se concrétise également via les parts sociales, et ceci de différentes façons. Par exemple, si le producteur souhaite leur remboursement par la coopérative, le repreneur engagera alors une procédure d'adhésion, avec souscription de parts sociales. S'il est convenu que le repreneur continue l'engagement auprès de la coopérative, les parts sociales seront transférées du cédant vers le repreneur, en respectant bien sûr la procédure définie par la coopérative. Dans tous les cas, il faut l'autorisation du conseil d'administration (CA).

PEUT-ON LE CÉDER OU L'OBTENIR FACILEMENT ?

La clause de cessibilité, ou le règlement intérieur de la coopérative, traduit le niveau de maîtrise de la mobilité des volumes que vise le transformateur. Le cas le plus restrictif est le refus de transfert automatique en dehors d'une reprise à l'identique d'une exploitation déjà collectée par le transformateur. Traduisez : sans changement de point de collecte.

Coopératives : elles ont la spécificité de demander l'apport total du lait produit par leurs associés coopérateurs. Si le CA juge que la coopérative peut travailler plus de lait, il donnera son accord pour du lait

en provenance d'une exploitation que la coopérative ne collecte pas. Si une procédure d'accès à des volumes en plus a été créée, le repreneur devra déposer sa demande dans ce cadre. Avec la règle du tout-apport, il ne peut avoir qu'un contrat et donc un tank à lait. À moins de créer une structure juridique parallèle pour produire le lait contractualisé avec une autre laiterie.

Industriels privés : l'appartenance à une organisation de producteurs qui est aux commandes, seule ou avec l'entreprise, de la gestion des volumes est un plus. L'OP est en mesure de constituer une réserve de volumes alimentée, entre autres, par des arrêts d'activité laitière sans cession de contrat. Pour connaître ses marges d'actions, se référer au contrat-cadre ou à la convention de l'OP avec la laiterie. « La cessibilité des contrats doit être raisonnée avec la gestion des volumes à redistribuer », estime Damien Lecuir, président de l'OP Danone bas-normande, qui pilote les volumes avec l'entreprise. Cent soixante-quinze producteurs y sont adhérents pour 76,5 Ml. L'OP a négocié en juillet un objectif de collecte de 80 Ml pour conforter les exploitations. Elle vient de finaliser la redistribution de 4,5 Ml sur trois ans auprès de soixante producteurs. « De ce fait, la référence contractuelle de l'OP est supérieure à l'objectif de collecte, mais c'est aussi le cas avec les quotas. Nous évaluons désormais avec Danone la collecte annuelle à partir des entrées et des sorties des références contractuelles et des sous-réalisations. » De même, avec l'entreprise, elle a recensé cinq situations de cessibilité des contrats. « La commission volumes, composée de l'OP et de Danone, ne s'oppose pas par exemple au transfert du contrat d'un producteur Danone vers un autre Danone, même si celui-ci ne reprend pas l'outil de production. Un avenant à son contrat sera écrit. À l'inverse, si un producteur Danone souhaite reprendre le contrat d'un producteur d'une autre laiterie, la commission arbitrera entre créer une référence contractuelle pour ce lait supplémentaire ou en attribuer d'abord aux adhérents de l'OP. Si la commission refuse, le repreneur gérera deux contrats et deux tanks à lait. »

Comme l'OP Danone,l'OP bretonne Bongrain Cleps(près de 300 Ml), qui joue également un rôle majeur dans la gestion des volumes, intègre la cessibilité des contrats dans la politique de redistribution. « Il est indispensable que les producteurs qui arrêtent le lait sans céder leur contrat respectent le délai de prévenance de douze mois, insiste Denis Berranger, président de l'OP. Ces volumes rentrant dans la réserve de l'OP, cela permet, entre autres, de mieux anticiper la redistribution douze mois après. » Les quelques millions de litres qui devraient alimenter la réserve à la suite des arrêts sans cession de contrats ou d'éventuels refus de transferts ne suffiront pas à satisfaire les 335 demandes recensées pour 40 Ml supplémentaires. Des négociations avec Bongrain débutent pour les obtenir sur trois ans. « Rencontré mi-janvier, Bongrain n'a pas apporté de réponse. Hors JA, nous n'avons pas pour l'instant de réserve pour conforter les structures. »

PEUT-ON LE VENDRE ?

Rien ne s'y oppose. « S'il est repris avec l'ensemble de la ferme, il n'aura pas de valeur en soi et sera englobé dans la valeur totale de l'exploitation », précise François Duhoux, du service juridique de CERFrance Manche. En revanche, la cession du contrat seul en aura une. « Le contrat est un bien immatériel. Son achat peut être inscrit à l'actif du bilan. Si vente ultérieure il y a, elle figurera en produit exceptionnel du résultat comptable. Le prix de l'achat sera ajouté aux charges et, bien sûr, supprimé du bilan. » Pour lui, plus le processus de transfert est maîtrisé, plus grande sera la valeur du contrat. Même si ce n'est pas le but que recherchent les OP, elles y contribueront, d'autant plus si elles jouent un rôle important. « Pas question de fixer un prix de marché. Les volumes qui alimenteront ou sortiront de la réserve seront gratuits », affirme Denis Berranger.

Y a-t-il un risque que l'acheteur se retourne contre le vendeur ? « Il est faible si le cédant prouve que le repreneur a bénéficié de toutes les informations », répond François Duhoux. Il conseille de rédiger une « promesse de cession et d'achat » dans laquelle seront précisées les conditions de transfert. Par exemple, l'accord de la laiterie et l'état d'avancée du contrat. En effet, le contrat cédé n'est pas modifié. Ainsi, si son échéance est dans un an, elle le restera.

CLAIRE HUE

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